L’Arabie heureuse
de Jean de La Roque ou le café comme
médiateur culturel
Mohamed
Bernoussi
¦
Le Voyage
de L’Arabie heureuse est le récit d’événements ayant eu lieu entre le 6 janvier 1708 et
le 8 mai 1710, dates qui couvrent le séjour de la première expédition française
en Arabie. Le volume, publié en 1715, se compose de cinq lettres envoyées par
M. De Champloret, capitaine et agent de la compagnie des Indes, à l’auteur,
Jean de La Roque[i],
d’une relation d’une seconde expédition entreprise de 1711 à 1713, d’un traité
et d’un mémoire sur le café. La relation de La Roque vient combler un vide et
s’inscrit dans une série d’ouvrages ayant pour sujet la société et la culture
arabes, tels La Bibliothèque orientale de Barthélémey d’Herbelot (1697),
Les Mille et une nuits traduit
par Galland (1703-1717)[ii]. La
presse de l’époque réserve un accueil favorable au Voyage de l’Arabie
heureuse[iii].
La livraison du 27 avril 1716 du Journal des savants fait état des “...Éclaircissements
curieux et très fidèles sur un pays jusqu’ici peu connu des géographes et des
voyageurs français. L’article où il est parlé du roi du Yémen n’est pas un des
moins agréables du livre”[iv].
Mais en plus des curiosa, les écrits sur le café constituent une matière
riche en implicites et donnent à lire des aspects d’une culture et d’une
société ignorées pendant longtemps. Et c’est cela qui les rend intéressants.
Comment un négociant de l’Age Classique voit-il des phénomènes étrangers ? Quels
sont les médiateurs ou les adjuvants de cette saisie? Et quelles sont enfin les
démarcations par rapport à un savoir constitué sur l’Arabie? Mon but est
d’étudier la culture à l’œuvre dans l’approche des réalités de l’Arabie,
d’interroger ses recours et ses limites, non seulement par rapport à la notion
de culture mais aussi dans le cadre du genre qui lui sert de support, à savoir
le récit de voyage.
L’expédition
française, composée de deux navires, quitte Brest le 6 janvier 1708 et suit un
itinéraire qui passe par Madagascar, Aden, Tagora et Moka. Les régions
traversées font l’objet de brèves descriptions, voire parfois d’inventaires,
que viennent animer de temps à autres quelques épisodes d’assauts de navires.
Mais dès l’arrivée à Moka, les descriptions se font plus précises. Or que nous
apprend le voyage sur la société du Yémen du début du dix-huitième siècle ?
Il s’agit d’une région prospère,
qui constitue une plaque tournante de l’économie de la région, et ce grâce à
ses montagnes riches en arbres du café, en plantes aromatiques, en encens et en
gomme. Les premiers contacts avec la population laissent une bonne impression
chez notre voyageur, qui trouve les Arabes “de fort bonnes gens et plus
accoutumés que nous ne pensions à voir des étrangers”[v].
Comme il s’agit d’une expédition de négociants, il fallait entrer en contact le
plus vite possible avec les autorités du Yémen. C’est ce qui explique
l’importance des propos sur la cour du
Yémen et sur certains aspects du
pouvoir et de son exercice dans ce pays. Ce qui surprend nos voyageurs, c’est
la simplicité du roi et de son palais; l’intérieur du palais est très modeste
et les chambres disposent de quelques tapis en guise de meubles. Un autre sujet
de surprise concerne la prière du vendredi et les mesures prises par le roi à
cette occasion. La méfiance du roi et les précautions pour faire la prière dans
un endroit ouvert et loin de la ville trouvent leur explication pour notre
voyageur dans l’absence d’héritier. La monarchie du Yémen n’étant pas
héréditaire, le pouvoir revient au plus fort. Car après avoir rappelé comment
Ali fut assassiné le jour de la prière dans une mosquée, La Roque ajoute :
“Et en
effet les mémoires portent que le royaume n’est pas héréditaire, et que le
prince qui se fait le plus d’amis, et qui a le plus de force ou d’intrigue
l’emporte ordinairement sur ses concurrents, qu’il fait quelque fois mourir ou
enfermer.”[vi]
L’analyse du pouvoir au Yémen est
complétée par des remarques historiques
sur les descendants du prophète et par la rectification de certaines
turqueries. Pour le reste, il n’y a pas grand chose, si ce n’est ce propos qui
en dit long sur la conscience des limites de cette saisie du phénomène du
pouvoir en Arabie :
“Si nos
voyageurs avaient eu plus de curiosités, et l’intelligence de la langue du
pays, on trouverait ici quelque chose d’assuré sur la maison du roi d’Yémen.”[vii]
L’évocation des femmes fait l’objet
d’une mise en scène soigneusement élaborée. A Aden, la maison où logent nos
voyageurs est en face d’une maison où l’on remarque plusieurs femmes. La
proximité de ces belles recluses et les obstacles figurés ici par les jalousies
fermées et par d’autres interdits invisibles inscrivent dès le départ la
situation dans une perspective de tension et de conquête : proximité et
éloignement, tension et interdit :
“Du
commencement les dames se cachaient avec un grand soin et n’ouvraient jamais la jalousie : mais il plut à sept ou
huit de nos volontaires, jeunes gens de famille que j’avais pris sur mon
vaisseau […] de se divertir le soir dans la cour [...] ce n’étaient que danses
et chansons continuelles et le plus souvent sous la fenêtre des dames : il n’en
fallut pas davantage pour les apprivoiser. D’abord on ouvrit un peu la jalousie,
comme pour mieux voir les danses, et ensuite on l’ouvrit tout à fait; bientôt
on entendit ces dames qui chantaient sur le même air...”[viii]
Ici le récit se déploie à la
manière des jalousies qui s’ouvrent doucement sous l’effet de la musique, l’énumération
marque les étapes d’une conquête au terme de laquelle les belles et farouches
voisines se montrent particulièrement sensibles à l’action des étrangers. La
suite du récit opère un renversement de situation, dans la mesure où c’est
l’une des belles recluses qui cherche désormais à attirer par tous les moyens
l’attention de notre voyageur. La suite des échanges est médiatisée à travers
une série d’objets de valeur qui illustrent le savoir-faire français en matière d’ameublement et de décor. Voilà pour ce qui
est de la culture de La Roque qui, on l’aura remarqué, reste particulièrement
attaché aux marchandises et au pouvoir avec qui on doit traiter, sans pour
autant sacrifier à certains topoï du récit de voyage quand il s’agit par
exemple de parler des femmes. Le négoce du café reste donc le plus important,
mais le mémoire et le traité sur le café témoignent d’un autre intérêt, dont
nous tenterons d’illustrer l’importance au niveau de l’imaginaire de l’Arabie.
Comme nous
le disions au début, le Voyage de l’Arabie heureuse vient combler un
vide sur cette région, dû à des raisons pour la plupart religieuses. Assimilée
depuis très longtemps à un Orient aussi vague que problématique[ix],
l’Arabie ne commence à être évoquée que depuis la fin du seizième et le début
du dix-septième siècle. Depuis les croisades en effet, les deux mondes,
chrétien et musulman, vivaient dans une mutuelle méfiance, entretenue par les
pouvoirs religieux et par les chroniqueurs médiévaux, chez qui cette région
était appelée “terre des impies mahométans et de l’antéchrist”, “terre du
diabolique Mahomet et de sa secte intégriste”[x]. Si
au cours des seizième et dix-septième siècles, les jésuites et quelques autres
voyageurs ont pu écrire d’importantes descriptions sur les sociétés
d’Extrême-Orient et d’Amérique, l’Arabie est restée isolée. Les quelques récits
des précurseurs, tels Louis Barhéma[xi],
Jean Palerme[xii]
ou Gabrielle Brémond[xiii],
qui s’y sont aventurés au risque de leur vie ou l’ont approché dans le cadre
d’un pèlerinage à Jérusalem, donnent l’image d’une terre hostile et peuplée de
bédouins coupe-jarrets[xiv].
L’intérêt d’une relation comme le Voyage de Arabie heureuse est qu’elle
s’inscrit aux antipodes d’un savoir constitué sur cette région et qu’elle
inaugure par son intérêt éminemment financier et ses informations sur tout ce
qui concerne le café un nouvel imaginaire. Comment le café acquiert-il une
dimension autre que culinaire ou mercantile? Quel univers symbolique se met en
place à travers l’évocation de son histoire, le rituel de sa préparation et les
controverses religieuses suscitées à son sujet?
La dédicace
du livre au ministre des finances Pontchartrain donne à lire l’importance de
l’expédition vers l’Arabie. Les enjeux sont considérables, car en cas de
réussite, les Français peuvent enfin acheter directement du café au Yémen au
lieu de passer par les Anglais ou les Hollandais, qui étaient les précurseurs
dans cette région. La relation de La Roque donne certes une foule de renseignements
sur les termes du contrat établi avec le gouverneur du Yémen et sur les
comptoirs d’Arabie[xv],
mais le plus important reste l’aspect culturel du café. Car l’aliment est un
indicateur culturel, le rapport au culinaire et à la boisson inscrit les
convives dans des paradigmes qui dépassent celui de la bonne chère[xvi].
Il est au cœur de certains aspects de la vie privée et de la vie en société. Le
culinaire peut jouer un rôle de premier plan dans les récits de voyage et une
histoire de l’altérité à travers le culinaire reste à écrire. L’aliment peut
cristalliser des rejets ou des critiques qu’on ne peut soutenir ouvertement,
comme il peut rapprocher et faire accéder au récit de voyage des sujets
demeurant tabous. L’expérience du culinaire
de nos voyageurs en offre une illustration. L’hospitalité du roi est
l’occasion de découvrir les mets qui composent sa table de tous les jours; mais
ce qui est considéré au début comme un honneur se révèle être un calvaire, à en
croire nos voyageurs. La critique du repas ne se fait pas seulement sur la base
de critères gustatifs -viandes bouillies et trop assaisonnées- mais aussi à
partir d’une culture culinaire implicite -la viande n’a pas le temps de se
mortifier et le pain n’offre guère la variété des pains français-. Si le culinaire
en général fait l’objet d’un rejet clair et net, le café est l’objet d’une
fascination et d’une révélation. L’examen des livres consacrés au café et à son
origine est l’occasion de parler des anecdotes de sa découverte; celles-ci se
ramènent presque toujours à la même histoire : un berger constate que ses bêtes
ne dorment pas la nuit, il en cherche la cause et découvre par la suite
qu’elles ont brouté de l’arbre du café. Des religieux sont mis au courant et en
préparent un breuvage pour veiller pendant leurs prières. C’est ainsi que le
café a été introduit au quinzième siècle par le Moufti d’Aden dans sa ville
après un voyage en Perse. Le café est consommé d’abord la nuit, mais son succès
dépasse le cadre des veillées religieuses pour être ouvertement pris dans la
journée. Cette nouvelle situation inquiète et dérange les autorités religieuses
qui craignent de voir les fidèles bouder la prière pour s’assembler autour d’un
café[xvii].
La guerre contre le café, qui n’épargnera pas la France par la suite[xviii],
peut commencer. C’est alors qu’on eut recours à des médecins pour démontrer la
nuisance de cette boisson, sous-entendu sur le plan sexuel, comme l’illustrent
les différentes controverses sur la nature froide et sèche de cette plante[xix].
L’argument médical, s’étant révélé peu efficace, on eut recours par la suite à
la religion et à la jurisprudence musulmane, inaugurant une nouvelle phase de
la guerre du café. Cadis et Ouléma musulmans devaient trancher cette question :
le café est-il licite ou illicite? Certains sont allés jusqu’à affirmer qu’il
provoque un état proche de l’ébriété causée par le vin et ont conclu à son
interdiction. Le café fut donc interdit à la Mecque et dans d’autres régions de
l’Arabie, mais pour une courte durée. Pourquoi toutes ces histoires sur le café
sont-elles intéressantes?
Parce
qu’elles sont riches en implicites sur certains aspects de la vie privée des
Arabes et de leur mentalité et parce qu’elles contribuent à libérer le refoulé.
Parler du café permet de parler d’une société et d’une culture jusqu’alors
frappés d’interdit. Ici grâce au café, des lieux comme la mosquée, demeurant
fermés, car consacrés par une tradition séculaire comme des lieux de complots
et de fanatisme, s’ouvrent et deviennent des lieux où les hommes peuvent se rencontrer
et se détendre. L’échec des autorités pour interdire le café rend compte de
façon implicite d’une société où les loisirs sont importants et où la mosquée
est un lieu de culte, mais aussi un espace de sociabilité et de convivialité.
Les autres passages offrent de façon détournée des informations sur la société
du Yémen; le café y est offert à n’importe quel moment de la journée; il peut
être pris seul, avec une petite goutte d’essence d’ambre ou bouilli avec un ou
deux clous de girofle, avec un peu d’anis ou du cacouley, qui est la graine du cardomomum
minus. Ce n’est pas seulement le raffinement, mais aussi la quantité de
café prise -on peut en prendre jusqu’à vingt fois- qui caractérisent un tel
plaisir. Quelques détails stylistiques sont importants à rappeler ici, dans Le Voyage
le prédicat café a un verbe attitré : régaler; les expressions
comme “cérémonie du café”, “café à la sultane”, “officier du
café” disent de façon très dense le raffine-ment qui entoure une telle
boisson et l’importance qu’on y attache, pour la détente et le plaisir qu’elle
offre, mais aussi pour ses vertus philanthropiques, comme le rappelle La Roque
citant Galland :
“Un
autre privilège du café, c’est selon la pensée de Monsieur Galland, de lier
d’un lien plus étroit, les hommes nés pour la société, que toute autre chose
que l’on puisse s’imaginer, de donner lieu à des protestations d’autant plus
sincères, qu’elles sont faites avec un esprit qui n’est pas obscurci de fumée,
et qu’on ne les oublie pas aisément, ce qui n’arrive que trop souvent,
lorsqu’on les fait dans le vin.”[xx]
Le café opère ici comme un
médiateur idéologique, et se révèle en même temps comme un agent actif d’un
imaginaire de l’indolence et de la profusion orientales, thèmes qui seront bien
exploités tout au long du dix-huitième siècle.
Nous avons
parlé d’un certain regard, affranchi de nombre de préjugés et révélateur d’une
nouvelle culture, mais il importe d’en préciser les limites. On retrouve bien
évidemment des limites inévitables, telles ces erreurs d’interprétation qui
consistent à croire par exemple que les Arabes ramènent leur main à leur
estomac après le salut, alors qu’il s’agit de la ramener au cœur. On retrouve
surtout des limites d’ordre poétique[xxi]. Si
l’auteur a réussi, à travers la forme épistolaire et les annexes, à éviter les
ruptures que provoquent habituellement la cohabitation des genres descriptif et
narratif au sein du récit de voyage, il ne pouvait pas éviter les contraintes
du récit, même dans une expédition de la compagnie des Indes. Il fallait donc
raconter une histoire captivante, avec des tensions et des péripéties, casser
la monotonie de ces inventaires en insérant des micro-récits de batailles
navales, consacrer un protagoniste pour faire face à des nègres hostiles ou
pour défendre un pauvre médecin, pour tenir tête au négociant malhonnête sidi
Mehmet ou pour défendre l’écrivain public contre la colère du gouverneur arabe.
Ce n’est pas tant la dimension aléthique qui est problématique dans ces
micro-récits, mais celle relative au déontique et à son éventuelle incidence
sur la culture de notre voyageur. Car si le voyageur doit toujours se comporter
comme il faut et obéir à une certaine logique narrative, il ne peut rendre
compte de sa culture comme il se doit. Son savoir et sa saisie des phénomènes
observés se trouvent parfois subordonnés à un genre et à ses règles. Le
rappeler ici permet de ne pas perdre de vue le fait que la culture du voyageur,
quelle que soit sa démarcation par rapport à un savoir constitué et sa
contribution à la libération d’un refoulé de l’Arabie, doit pactiser avec la
fable et négocier son actualisation avec l’expérience propre que constitue le
voyage.
Mohammed Bernoussi
Centre de Recherches sur la
Littérature des Voyages
[i] Jean de La Roque est fils de négociant
marseillais. Il est né en 1661 à Marseille et mort à Paris en 1745. Il a fait
des voyages en Syrie et au Liban et dans d’autres pays en 1689; il nous a
laissé Voyage fait par ordre du roi dans la Palestine, suivi de descriptions
de l’Arabie d’Ismaïl Aboul’Féda (1717), Voyage en Syrie et au
mont Liban (1722) et Voyage dans la basse normandie (1726-1733). La
relation que nous étudions a été écrite sur la base des lettres et des
témoignages fournis par M. de Champloret, capitaine et agent de la compagnie
des Indes.
[ii] Les Mille et une nuits, contes arabes traduits en
français par M. Galland, 1704-1717, 12 vol. in-12 ; pour plus de détails,
voir George May, Les Mille et une nuits d’Antoine Galland ou le chef d’œuvre
invisible, Paris, P.U.F., 1986.
[iii] Nous avons utilisé l’édition
suivante pour la présente étude : Jean de La Roque, Voyage de l’Arabie
heureuse par l’océan oriental, fait par les Français pour la première fois dans
les années 1708, 1709, et 1710, Avec la relation particulière d’un voyage du
port de Moka à la cour du roi d’Yémen, dans la seconde expédition des années
1711, 1712 et 1713. Un mémoire concernant l’arbre et le fruit du café,
Amsterdam, chez Stenhouwer et Uytwerf, libraires sur le Rockin, vis-à-vis la
porte de la Bourse, 1716.
[iv] Le Journal des savants du lundi 27 avril, 1716, p. 270.
[v] Voyage de l’Arabie heureuse, op.cit., p.41.
[vi] Voyage de l’Arabie heureuse, op.cit., p.215-216.
[vii] Voyage de l’Arabie heureuse, op.cit., p.217.
[viii] Voyage de l’Arabie heureuse, op.cit., p.94.
[ix] Dans l’esprit de la papauté comme
le révèlent les bulles pontificales, au Moyen Age, l’Orient concernait le pays
des Hongrois, des Perses, des Arabes, des Africains et d’une partie de
l’Europe, voir à ce sujet les actes du colloque L’Orient, concept et image
[in] Civilisations, n°15, Paris, Presses de l’Université de Paris
IV-Sorbonne, 1987.
[x] Sur le rôle joué par l’église dans cette idéologie, voir Jean
Flori, La guerre sainte: la formation de l’idée de croisade dans l’Occident
chrétien, Paris, Aubier, 2001; du côté musulman, voir le chapitre VI,
p.237-258, de Houari Touati, Voyage et Islam au Moyen Age, Paris, Seuil,
2000, “l’Univers Historique”.
[xi] Ludovico di Barthéma ou Warthema ou
Wartomanus, né vers 1480 à Bologne, visita Le Caire, Tripoli, Damas, et la
Mecque, déguisé en Arabe, d’où il échappa de justesse à la mort. Il a laissé
une relation intitulée : Itinerario de Ludovico di Verthema, bolognese,
ne lo Egypto, ne la Suria, ne la Arabia deserta et felice, ne la Persia ,
ne la India et ne la Ethiopia ; la fede, el vivere et costumi de tutte le
prefate province, Milano, 1523, in-4°. Sur l’histoire très mouvementée de
cette relation, voir Henri Cordier, Deux voyageurs dans l’Extrême-Orient au
XVe et XVIe siècle, essai
bibliographique : Nicolo de Conti, Lodovico di Warthéma, Leide, E.J.
Brill, 1899, in-8°.
[xii] Jean Palerme, né vers 1557,
secrétaire du duc d’Alençon, visita Le Levant, Le Caire, le mont Sinaï et
Jérusalem, il a écrit Pérégrinations du sieur Jean Palerme en Egypte,
Arabie, Palestine, Syrie, Natolie, Grèce, Lyon, 1621, in-12.
[xiii] Gabrielle Brémond effectua un
pèlerinage à Jérusalem et en a écrit le récit ; la version originale n’est pas
publiée, à ma connaissance, mais une traduction italienne en a été donnée qui
est parue sous le titre : Viaggi fatti nell’Egitto superiore et
inferiore, nel monte Sinai, et luoghi più cospicui di quella regione in
Gerusalemme, Guidea […] Quello della Meka et del sepolcro di Mahometto,
Roma, 1679, 1 vol. in-4°.
[xiv] Sur la genèse de ce regard sur le bédouin
et son évolution, voir Sarga Moussa, “Le Bédouin, le voyageur et le philosophe“
[in] Dix-huitième siècle, n°28, 1996, p.141-158.
[xv] Avant l’expédition française, le
café était transporté des montagnes de la région de Moka à dos de chameaux
jusqu’au port de la mer rouge puis à un autre port plus important pour la
Turquie, l’Egypte, et enfin vers la France. L’expédition réussit sa mission,
car comme le montre la lettre du gouverneur de Moka qui fait office de contrat
entre le gouverneur et les membres de la compagnie des Indes, les Français
peuvent acheter du café à Moka et paieront un droit de douane de trois pour
cent sur les marchandises embarquées.
[xvi] Voir Gilly Lehmann, “Politics in
the Kitchen”, et Mohamed Bernoussi, “Le préjugé alimentaire ou le salut par le
fantasme” [in] Béatrice Fink, dir., Eighteenth Century Life : The Cultural
topography of Food, mai 1999, John Hopkins University Press, p.71-83 et
p.6-12.
[xvii] Il y a en effet à cela des raisons
politiques. Sur le café comme lieu de contestation politique, voir Jean-Louis
Flandrin et Massimo Montanari, dirs., Histoire de l’alimentation, Paris,
Fayard, 1996, p. 636.
[xviii] A Marseille par exemple, le café
suscite les mêmes passions qu’en Arabie au point de diviser la ville en deux
parties. Les médecins, écrit La Roque, “s’en alarmèrent, dans la pensée que cet
usage ne convenait point aux habitants d’un climat assez chaud et extrêmement
sec” (Voyage de l’Arabie heureuse, p.312) Et la question de la nuisance
du café fut même inscrite parmi les questions pour agréger un futur médecin,
comme le montre le document inséré à la fin du Voyage en Arabie.
[xix] La Roque se réfère ici à une lettre d’Antoine Galland
intitulée : De l’origine et du progrès du café, sur un manuscrit arabe
de la bibliothèque du roi, à Caën, et se vend à Paris chez Florentin et
Pierre de Laure, 1699.
[xx] Voyage de l’Arabie heureuse, op.cit., p.302.
[xxi] Sur l’apport des récits de voyage
aux romans du dix-septième siècle, voir l’étude de Jacques Chupeau, “Les récits
de voyage aux lisières du roman” [in] Revue d’histoire littéraire de la
France, n°77, 1977, p.536-553. Sur le dilemme du récit de voyage
entre documentation et fiction, voir Chrisitine Montalbetti, Le Voyage, le
monde et la bibliothèque, Paris, P.U.F., 1997. Sur les travers de la
culture des voyageurs, voir Jean-Didier Urbain, Secrets de voyage.Menteurs,
imposteurs et autres voyageurs invisibles, Paris, Payot, 1998. Sur le récit
de voyage et la bibliothèque à l’œuvre, voir Sophie Linon-Chipon, Valérie Magri-Mourgues et Sarga
Moussa, dirs., Miroirs de textes. Récits de voyage et intertextualité,
Publications de la Faculté des Lettres de Nice, n°49, 1998.