Le voyage en Italie comme pratique éclairée

au XVIIIe siècle : un chapitre de

l'histoire intellectuelle

 

Gilles Bertrand

 

¦

 

S'il est un domaine de la connaissance où le voyage des élites cultivées de l'âge classique a suscité au cours du vingtième siècle un chantier de réflexion fécond, c'est celui qui tend à le considérer comme une expérience singulière du monde, dont l'Italie serait le cadre privilégié. À travers la diversité de leurs buts et de leurs motivations, les Européens qui visitent la péninsule manifestent une volonté de jouissance et de découverte. Celle-ci met en branle une certaine conscience de soi puisque les voyageurs donnent plus ou moins explicitement un sens aux situations dans lesquelles ils se trouvent. Soucieuses d'en dresser le bilan, diverses études où convergent l'histoire des idées, la littérature comparée et l'histoire culturelle ont choisi de s'arrêter sur le voyage à l'époque des Lumières. Le déplacement en Italie y est compris comme l'élément d'un processus de formation de l'individu et de mise en réseau d'une série d'expériences ayant pour cadre l'Europe entière : il est l'étape ultime, en même temps qu'essentielle, du Grand Tour pratiqué à des fins éducatives par les jeunes nobles anglais à partir de l'époque élisabéthaine, tirant son nom de l'emploi qu'en fit Lord Granborne en 1636 à l'occasion de son voyage en France, puis de la divulgation qu'en assura Lassels en 1670 dans son Voyage of Italy[i]. Étendu à des élites de provenances nationales variées dans la seconde moitié du dix-septième siècle, en particulier aux Allemands et aux Français, ce mode de déplacement se répandit aussi parmi les membres de la haute bourgeoisie et atteignit après les traités de 1748 et surtout de 1763 sa forme d'expansion maximale. Il ne concerne bien sûr qu'une minorité de voyageurs, mais il nous conduit à nous poser la question de son rôle dans l'échange des idées et des valeurs au sein de l'Europe cultivée. Le voyage fut-il cause ou effet de surface du cosmopolitisme? Les voyageurs ont-ils été de véritables acteurs de la transmission culturelle ou de simples véhicules de préjugés formés antérieurement à leur départ et confortés par le voyage?

 

 

Voyage et Lumières

Différentes hypothèses ont été proposées sur le voyage comme pratique éclairée. Celles qui lui accordent une place décisive dans la perspective de l'éveil et de la diffusion des Lumières se réfèrent immanquablement au premier chapitre de La Crise de la conscience européenne, où Paul Hazard fait de la fièvre des voyages l'un des principaux facteurs du passage d'un monde stabilisé, dominé par l'absolutisme et le monisme, à une ère du mouvement marquée par le relativisme propre aux Lumières[ii]. Dans son étude de 1965 sur les guides de voyage parus au tournant du dix-septième et du dix-huitième siècle, Pierre Laubriet observe que les textes sur l'Italie de Misson, Burnet et Deseine “accomplissaient le même travail d'expansion des Lumières que les ouvrages des vulgarisateurs philosophes[iii]. Deux ans plus tard, René Pomeau renforçait ce point de vue en montrant que le voyage fut source de la philosophie par ses vertus pédagogiques. Certes il ajoutait que les philosophes furent de grands sédentaires et que la philosophie des Lumières n'est pas issue des idées répandues par les voyageurs. Il concluait pourtant en faveur d'un rôle déterminant des voyages. “Les philosophes, écrivait-il, sont convaincus que la connaissance de l'homme s'obtient par la voie de l'observation : l'humanité réelle est celle que découvre le regard de l'historien, ou à l'époque contemporaine celui du voyageur[iv]. Se plaçant dans une perspective analogue, Louis Trénard fait des voyageurs les “meilleurs agents de propagande pour l'Italie”, au même titre que les traducteurs ou les journalistes “d'une presse spécialisée qui l'emporte au siècle des Lumières[v]. Plus récemment Didier Masseau semble partager ce point de vue lorsqu'il définit les voyages au dix-huitième siècle comme l'un des “lieux européens de la communication intellectuelle”, à côté des académies, des loges maçonniques, des salons parisiens et des diplomates[vi].

Le bilan que dresse Cesare De Seta sur l'influence que les récits de voyage européens exercèrent dans la représentation de l'Italie conduit à un constat semblable. Si, dans le “miroir” du Grand Tour, l'Italie divisée en une mosaïque d'états s'est mise à exister et à prendre conscience d'elle-même aux yeux de ses habitants, elle le doit largement aux textes et aux images que le voyage a suscités. Cesare De Seta rejoint Jacques Le Goff, Fernand Braudel et Franco Venturi, qui chacun ont donné une contribution sur “l'Italie hors d'Italie” dans la Storia d'Italia publiée chez Einaudi[vii]. De cet ensemble d'approches, qui n'ont pas manqué d'être critiquées par des spécialistes de littérature regrettant que le discours du voyage soit parfois mis au service d'une vision historique qui le dépasse[viii], il ressort que le regard des étrangers, et notamment celui des voyageurs, s'inscrit dans l'épaisseur de l'histoire italienne et que, entre autres par le jeu des conversations, sa contribution aux événements qui ont secoué la péninsule fut loin d'être marginale.

D'autres auteurs, tout en considérant les apports du voyage, jugent qu'il est imprudent d'accorder à ce dernier une fonction motrice dans l'histoire des idées. En adoptant le point de vue de la République des lettres, Françoise Waquet montre que les travaux érudits français du dix-septième et du dix-huitième siècle circulent à travers de nombreux autres canaux et que les idées de Mabillon, par exemple, n'ont pas attendu le voyage de ce dernier en 1685-1686 pour être connues en Italie[ix]. Sans sous-estimer l'importance des mouvements de voyageurs entre les deux pays dans la seconde moitié du dix-septième siècle et au début du dix-huitième siècle, elle observe que les Français qui visitèrent l'Italie ou qui y séjournèrent “ne tirèrent point une vision originale des choses, mais la confirmation de leurs préjugés[x]. Dans le même sens nous paraissent aller les travaux de Robert Shackleton. Celui-ci reconnaît, d'un côté, que la vogue du voyage au dix-huitième siècle “had promoted scholarship, and the philosophical movement, and Neoclassicism, and Romantism[xi], mais il conclut dans une autre étude, en s'appuyant sur cinquante-six récits de voyageurs anglais et français à Naples entre 1701 et 1788, que le voyage ne fut pas un facteur déterminant de la diffusion des Lumières[xii]. S'il est clair que le développement de la pensée des Lumières ne saurait être considéré comme le simple effet des rencontres qu'effectuaient les gens de lettres en voyageant à travers l'Europe, les contradictions entre ces remarques de Shackleton sont indicatives de l'intérêt que présente un débat trop souvent absent des études consacrées aux récits de voyageurs.

Situé dans la perspective d'une histoire de la connaissance, le voyage épouse-t-il alors cette forme circulaire qu'Yves Hersant prête aux Lumières lorsqu'il constate qu'“à la conquête et à la quête” qui auraient hanté ses ancêtres du seizième siècle “l'homme éclairé préfère l'enquête[xiii], qui le ramène plus sûrement à son origine? Le problème est celui de l'écart possible entre les découvertes du voyageur et les modèles dont il est porteur. Le voyage se construit en suivant des traditions, comme celles de l'érudition, ou des itinéraires tracés d'avance, et pourtant il existe aussi dans le voyage des Lumières, en raison de son caractère concret et expérimental, une capacité innovatrice qui peut se retourner contre la tradition. En indiquant, dans un contexte plus général, comment le voyage de la fin du dix-huitième siècle participa d'un processus de formation des sciences humaines et sociales, Sergio Moravia a mis en scène le heurt entre “la réalité de la vie vécue et des choses vues” et “une réalité déformée par des idées préconçues ou par des conceptions idéologiques”. Il a en même temps suggéré des pistes de recherche sur le rapport entre les idées et matériaux recueillis par les voyageurs et le développement de la culture européenne[xiv]. Or, ces propositions valent autant pour l'Italie, où les modalités du voyage des savants ont du reste jusqu'à présent été peu étudiées[xv], que pour les terres plus lointaines, objet des grandes expéditions. Ce qu'elles soulignent, c'est la dimension d'expérience du voyage, sa capacité à élargir le champ des connaissances et à démonter les constructions des philosophes en chambre.

 

 

La valeur de l’expérimentation

Les débats sur la place des voyages au sein de l'histoire des idées et des sciences conduisent à s'interroger sur la valeur qu'on leur a attribuée à l'époque des Lumières. Dans les dictionnaires du dix-huitième siècle comme dans les arts de voyager ou les récits eux-mêmes, pointe une tension qui à son tour peut servir de fil conducteur dans le cadre d'une histoire intellectuelle des voyages. À l'article “Voyage” de l'Encyclopédie (1765), Jaucourt légitime cette pratique par sa fonction expérimentale[xvi]. Avant lui, le Dictionnaire universel de Furetière (1690) et ceux de l'Académie française (1694) et de Trévoux (1704) en définissaient de façon assez vague le rôle éducatif, en se contentant d'affirmer qu'ils permettaient de satisfaire la “curiosité” et de voir des “choses rares”. Ils étaient jugés nécessaires à la jeunesse pour apprendre à vivre dans le monde mais sans qu'à la limite il soit obligatoire de se déplacer[xvii]. Jaucourt insiste, à l'inverse, sur le contact personnel avec le grand livre du monde, sur l'utilité du changement d'air et de l'exercice du corps, sur l'importance de pouvoir juger par soi-même des hommes, des mœurs, des lieux et des objets en vue non seulement d'enrichir ses connaissances mais aussi d'étendre son esprit et de se guérir des préjugés nationaux.

Occasion d'une observation directe, le voyage selon Jaucourt présente aussi de gros risques à partir du moment où celui qui l'a fait en publie un récit. Alors peut s'insinuer le mensonge, les voyageurs ajoutant aux choses vues celles qu'ils auraient pu voir, se fiant à des auteurs dont la sincérité elle-même est suspecte, répétant d'un récit à l'autre une série de poncifs. Ce thème du voyageur menteur et mystificateur, absent du dictionnaire de Furetière et des premières éditions de celui de l'Académie, fait son entrée dans le Dictionnaire de Trévoux, est abondamment commenté à l'article “Voyageur” de Jaucourt et trouve enfin un écho dans le Dictionnaire de l'Académie en 1776[xviii]. Par sa récurrence tout au long du dix-huitième siècle, il traduit l'actualité d'un combat mené au nom des vérités de l'expérience contre les impostures, les plagiats, les infidélités, les tentations de la fiction “littéraire”. S'agissant de l'Italie, le combat est d'autant plus vivement ressenti que les élites européennes sont nombreuses à s'y rendre et que les récits sont publiés à un rythme soutenu[xix].

À ce point, le voyage des humanistes permet de mieux comprendre comment se positionna le débat du XVIIIe siècle sur l'utilité ou non des voyages. Un discours de la légitimation du déplacement de longue durée s’était construit par étapes successives, ayant pour point de passage obligé Juste Lipse et Montaigne et acquérant sa forme devenue plus tard stéréotypée dans les pages de Bacon publiées en 1625, où se trouve offert aux jeunes gens qui se destinent à l'exercice du pouvoir un concentré de la meilleure manière possible de transformer le voyage en une activité rationnelle[xx].

Chemin faisant s’est dessiné un courant opposé de condamnation du voyage. Le privilège accordé au calme routinier et à la paix domestique puise sa source chez Socrate et Platon[xxi]. Il se nourrit d'une tradition chrétienne reprise à son compte par une partie des élites de la Renaissance, selon laquelle la curiosité du voyageur est source de dispersion et de péché, attention accordée à l'inessentiel. Les pèlerins, mus par la dévotion, sont depuis longtemps invités, lorsqu’ils se déplacent sur les routes, à ne poser leur regard et à ne faire halte qu’auprès des monuments et des reliques liés à leur cheminement de croyants. De son côté, la montée de l'anti-italianisme dans les cultures française autant qu'anglaise à partir de la seconde moitié du seizième siècle contribue à renforcer l'idée que le voyage en Italie est source de dégradation morale. Le voyageur encourt un grave danger pour son âme s'il se rend dans un pays affaibli et dépourvu de valeurs morales positives. Bien que ce “pessimisme abâtardi”, pour reprendre l'expression de Luigi Monga, ne parvienne pas à entamer l'ardeur de la majorité des visiteurs, il a laissé des traces profondes jusque dans la seconde moitié du dix-huitième siècle et sans doute au-delà. Les études sur les voyageurs protestants, par exemple sur Misson, huguenot réfugié en Angleterre, témoignent de ce que les représentations négatives des Italiens tirent aussi leur origine d'une méfiance plus durable à l'œuvre dans les discours qui dénoncent les risques du voyage.

Plus fécond semble avoir été le filon de ceux qui ont accordé aux voyages, et entre autres à celui d'Italie, une forte valeur éducative. Certes les modalités du voyage dans la péninsule sont multiples, du pèlerinage à la quête érudite et des expéditions militaires aux pratiques commerçantes. Elles varient aussi au fil des siècles, les bourgeois du dix-neuvième siècle imprégnés de nationalisme ayant été probablement moins préoccupés par l'idée d'un savoir commun et partagé que les élites des siècles précédents. Une unité se dégage pourtant autour de la valorisation de l'expérience concrète du voyageur par rapport aux spéculations du philosophe, selon une tendance qui depuis le seizième siècle amène de nombreux commentateurs à vanter les mérites de la connaissance sensible. Si le voyage imaginaire n'occupa pas moins les esprits que le voyage réel à l'époque des Lumières, ce siècle connut d'abord une multiplicité de déplacements concrets en Italie, à commencer par ceux des érudits, des gens de science et des premiers archéologues. Tout en ayant présente à l’esprit une plus longue durée depuis le Moyen Age, c’est le sens de ces expériences qu’il nous faut tenter de retrouver lorsqu'on veut esquisser une histoire plus fine des évolutions, ruptures et changements de rythmes qui marquèrent l'histoire du voyage de la Renaissance à nos jours.

 

 

 

Les débats d’aujourd’hui sont fils de ceux qui opposèrent tout au long de l’époque moderne les partisans et les opposants à l’idée d’utilité des voyages. Ils témoignent de ce que les incertitudes qui continuent de caractériser le statut accordé aux voyages dans les études historiques ou littéraires traduisent peut-être une inquiétude, voire un refus radical déjà vécu par les contemporains des Lumières vis-à-vis de la capacité que les voyages, du moins ceux effectués selon le vœu de Rousseau en “philosophes[xxii], auraient de déranger tout à la fois un certain ordre du savoir et une logique sociale.

 

Gilles Bertrand

Centre de Recherches sur la Littérature des Voyages

Université de Grenoble

 

 



[i]No man understands Livy and Caesar, Guicciardini and Monluc, like him, who has made exactly the Grand Tour of France and the Giro of Italy” (ce passage de Lassels est cité par Yves Hersant, “Sur les routes d'Europe” [in] Philippe Roger, dir., L'homme des Lumières de Paris à Petersbourg, Naples, Istituto Italiano per gli Studi Filosofici, 1995, p. 68).

[ii] Paul Hazard, La Crise de la conscience européenne, Paris, Boivin, 1934-1935, 3 vol.

[iii] Pierre Laubriet, “Les guides de voyages au début du XVIIIe siècle et la propagande philosophique” [in] Studies on Voltaire and the eighteenth century, n° 32, 1965, p. 325.

[iv] René Pomeau, “Voyage et Lumières dans la littérature française du XVIIIe siècle” [in] Studies on Voltaire and the eighteenth century, n° 57, 1967, p. 1289.

[v] Louis Trénard, “Images d'Italie dans la presse française d'Ancien Régime” [in] Ethnopsychologie, n° 1, 1971, p. 73-123, en part. p. 95.

[vi] Didier Masseau, L'Invention de l'intellectuel dans l'Europe du XVIIIe siècle, Paris, PUF, 1994.

[vii] Cesare De Seta, “L'Italia nello specchio del “Grand Tour” [in] Cesare de Seta, dir., Storia d'Italia, Annali 5, Il paesaggio, Turin, Einaudi, 1982, p. 125-263 (étude mise à jour dans l'ouvrage plus récent de Cesare de Seta, L'Italia del Grand Tour da Montaigne a Goethe, Milan, Electa, 1992) ; Jacques Le Goff, “L'Italia fuori d'Italia. L'Italia nello specchio del Medioevo” [in] R. Romano, C. Vivanti, dir., Storia d'Italia, vol. 2, Dalla caduta dell'Impero romano al secolo XVIII, Turin, Einaudi, 1974, t. 2, p. 1933-2088 ; Fernand Braudel, “L'Italia fuori d'Italia: due secoli e tre Italie” [in] Storia d'Italia, vol. 2, op. cit., t. 2, p. 2089-2248 (étude publiée en français dans un volume isolé, Le Modèle italien, Paris, Arthaud, 1989); Franco Venturi, “L'Italia fuori d'Italia” [in] Storia d'Italia, vol. 3, Dal primo Settecento all'unità, Turin, Einaudi, 1973, p. 985-1481.

[viii] Tel est le reproche que formule par exemple Emanuele Kanceff à l'encontre de Franco Venturi qui aurait, selon lui, tendu à surévaluer les voyageurs qui ont contribué au développement des idées réformatrices, et sous-estimé la dimension d'expérience intérieure qui fonde l'écriture des voyageurs (“Illuminismo e anti-illuminismo nel Viaggio in Italia” [in] Studi di storia della civiltà letteraria francese. Mélanges offerts à Lionello Sozzi, Paris, Champion, 1996, vol. 2, p. 977-984.

[ix] Françoise Waquet, Le Modèle français et l'Italie savante : conscience de soi et perception de l'autre dans la république des lettres. 1660-1750, Rome, école française de Rome, 1989, p. 5 et p.134-135.

[x] Ibid., p.5.

[xi] Robert Shackleton, “The Grand Tour in the eighteenth century” [in] Essays on Montesquieu and on the Enlightenment, Oxford, Voltaire Foundation, 1988, p. 373.

[xii][…] travel was not a powerful direct element in the diffusion of the ideas of the Enlightenment, though it may greatly have influenced specific individuals [...] it seems that the main influence of travel may have been vicarious through writers like Montesquieu and Lalande.” Robert Shackleton, “Travel and the Enlightenment : Naples as a specimen” [in] Essays on Montesquieu and on the Enlightenment, op.cit., p. 446.

[xiii] Yves Hersant, “Sur les routes d'Europe” [in] Philippe Roger, dir., L'homme des Lumières de Paris à Petersbourg, op.cit., p. 65.

[xiv] Sergio Moravia, “Philosophie et géographie à la fin du XVIIIe siècle” [in] Studies on Voltaire and the eighteenth century, vol. 57, 1967, p. 963 et 939.

[xv] Pour un aperçu sur le voyage des savants en Italie dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, nous nous permettons de renvoyer à notre propre étude, “Le voyage des hommes de science vers l'Italie, de Guettard à Faujas de Saint-Fond (1773-1805)” [in] Gilles Bertrand, M. T. Pichetto, dir., Le vie delle Alpi : il reale e l'immaginario / Les chemins du voyage en Italie : du réel à l'imaginaire, Aoste, Musumeci, 2001, p. 221-235.

[xvi] Le voyage y est défini comme une “école de la vie”, permettant de fréquenter “le grand livre du monde”; Jaucourt juge ensuite que “le changement d'air avec l'exercice sont profitables au corps et à l'esprit” et présente le voyage tout à la fois comme une “partie des plus importantes de l'éducation dans la jeunesse, et une partie de l'expérience dans les vieillards”.

[xvii] Si d'un côté “on apprend bien des choses en voyageant” (Dictionnaire de l'Académie française, 1694, repris encore en 1776), l'on peut se contenter de lire les récits chez soi puisque “Rien n'est plus instructif que la lecture des voyages” (Furetière, repris par Trévoux).

[xviii]Strabon dit que tout homme qui conte ses voyages est menteur.Dictionnaire de Trévoux, éd. de 1743 ; “d'ordinaire les voyageurs usent de peu de fidélité [...] ils rapportent ce qu'ils ont lu dans les auteurs, parce qu'ils sont premièrement trompés, de même qu'ils trompent leurs lecteurs ensuite.” Jaucourt, Encyclopédie, 1765 ; “Les voyageurs sont sujets à mentir.Dictionnaire de l'Académie française, 1776.

[xix] Tout différent est le cas des voyages d'exploration, par exemple celui des Voyages de Cook dont Giuseppe Maria Galanti  vante en 1780 la lecture comme étant instructive et solide “parce qu'ils présentent la Nature sans préjugés et sans esprit de système” (je cite et traduis d'après E. Guagnini, Viaggi e romanzi. Note settecentesche, Modena, Mucchi Editore, 1994, p. 49).

[xx] “Des voyages” [in] The Essayes or Counsels, civill and morall, XVIII, 1625. Trad. fr. : Paris, Aubier-Montaigne, 1948, p. 91-95. Pour une étude des discours de légitimation du voyage aux seizième et dix-septième siècles, on lira bien sûr Normand Doiron, L'Art de voyager. Le Déplacement à l'époque classique, Laval/Paris, Les Presses Universitaires de Laval / Klincksieck, 1995.

[xxi] Les Lois, XII, 950-951.

[xxii] Pour Rousseau le voyage philosophique est pratiqué par ceux qui étudient “non toûjours des pierres et des plantes, mais une fois les hommes et les mœurs, et qui, après tant de siècles employés à mesurer et considérer la maison, s'avisent enfin d'en vouloir connoître les habitans.Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755) [in] Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1964, “Pléiade”, t.3, p.212-213.

 

 

 

Retour à l’Index