L’Amérique
latine
entre deux paradigmes :
l’évolution de la culture
des voyageurs
naturalistes au cours de la
seconde moitié
du XVIIIe siècle
Cédric Cerruti
¦
Lors de la seconde moitié du dix-huitième siècle, le voyage de long
cours vers le Nouveau Monde substitue la démarche raisonnée des Lumières à la
perception traditionnelle du Nouveau Monde. De fait, la recherche des
connaissances positives se substitue peu à peu à la quête des mythes, soit par
l’application de nouveaux outils aux anciens objectifs, dans une logique de
continuité, soit par une remise en question des schèmes culturels. L’intérêt de
ce type de voyages réside dans la confrontation entre ces deux approches
culturelles. Parmi les voyages sélectionnés, seront privilégiées les grandes
entreprises qui, dans leurs intentions et leurs résultats, reflètent le mieux
les moyens mis en œuvre dans le domaine de la culture et, plus généralement,
dans celui du savoir. Les porteurs de cette culture sont les voyageurs éclairés,
et parmi eux l’“élite” naturaliste, mais aussi tous ceux s’intéressant à
l’histoire naturelle, d’autant plus nombreux que l’intérêt pour la discipline
touche un public plus large que les savants, ce qui amène une grande diversité
quant à l’approche culturelle. Aussi, la communauté des “américanistes” -le mot
n’apparaît qu’au dix-neuvième siècle- peut se diviser en deux groupes :
les voyageurs et les scientifiques. Pour ces derniers, la démarche initiatique
qui subsiste, est sans commune mesure avec celle du Grand Tour. Les
intentions sont étroitement liées, et certes beaucoup de naturalistes
commencent leur formation au voyage par ces “pèlerinages”[i],
unique expérience préparant leurs futures conditions d’investigation ;
mais contrairement à la plupart de leurs contemporains européens, ils ne
suivent pas les chemins, mais les traces de leurs prédécesseurs. En effet, il
s’agit le plus souvent de défricher un terrain aux contours imprécis. De fait,
la pénétration à l’intérieur du continent constitue l’avancée scientifique la
plus remarquable de l’époque. A cet égard, les efforts entrepris par l’Espagne
lors du dernier quart du dix-huitième siècle tendent à montrer la primauté
qu’acquiert alors la démarche scientifique sur la recherche de richesses plus
ou moins légendaires, dans la mesure où les moyens financiers engagés dans ces
voyages bénéficient surtout à l’avancée des sciences naturelles et humaines.
D’autre part, le cosmopolitisme des entreprises nous oblige aussi
à puiser parmi les circumnavigateurs, pour qui l’étape américaine est
essentielle, puisqu’elle fournit des éléments à l’élaboration d’un savoir fondé
sur le comparatisme. Par opposition d’abord, l’Amérique hispanique confronte
les voyageurs à des espaces mythiques. Grâce à la multiplication des
explorations, le dévoilement de l’information scientifique repousse les
légendes ; la multiplication du réel s’oppose à celle de l’imaginaire. Il
s’agit ensuite d’une multiplication par superposition, puisque la culture des
voyageurs leur permet d’élargir leur champ d’analyse. Plus que tout autre, le
naturaliste enveloppe le réel par l’ampleur de son regard. Par contradiction
enfin, du fait des heurts culturels internes et externes aux voyageurs Autour
du laboratoire américain se pose le problème de la diversité des regards.
A défaut de l’exhaustivité, l’exemplarité que l’on peut dégager
des récits de voyage servira à esquisser une culture alors en formation. A ce
titre, deux étapes jalonnent la seconde moitié du dix-huitième siècle :
1749, lorsque sont divulguées au public les relations de voyage de Jorge Juan
et Antonio de Ulloa d’une part, et celle de Bouguer et La Condamine d’autre
part ; 1799 ensuite, date à laquelle Alexandre de Humboldt et Aimé
Bonpland appareillent pour le nouveau continent. Deux dates significatives de
l’évolution de la lecture du Nouveau Monde, entre lesquelles la construction de
l’identité latino-américaine renouvelle ses méthodes.
Les termes d’appropriation de la réalité américaine ne changent
pas de Colomb à Humboldt. La filiation est même réaffirmée entre les deux
hommes, car Humboldt est consacré “second découvreur de l’Amérique” par ses
contemporains. Ce titre signifie aussi l’apogée du voyageur-naturaliste, dont
le statut d’observateur et de porte-parole des Lumières est désormais admis[ii].
Il s’agit d’un aspect essentiel de la constitution du savoir
américaniste : en intégrant à leur bagage culturel les idées du monde
éclairé, les voyageurs prolongent et surtout critiquent les connaissances des
savants demeurés en Europe. En effet, une lutte oppose alors les savants
“nomades” aux “sédentaires”. Lutte souterraine, émaillant les écrits des deux
partis et qui mériterait une étude à part, l’enjeu portant sur la place du
voyageur à l’intérieur de l’espace culturel des Lumières. Raynal et Diderot
sont les plus véhéments contre les voyageurs de long cours, les ramenant au
rang -suprême injure- de “nouvelle espèce de sauvages nomades”[iii].
Pour leur part, Bougain-ville et La Pérouse plaident pour une science des
faits, contre “l’esprit de système” et les “faiseurs de systèmes qui,
au fond de leurs cabinets, tracent la figure des continents & des isles.”[iv]
Or, le voyage vers le Nouveau Monde se réclame d’un esprit de découverte hérité
du Siècle d’Or. La tradition est invoquée non seulement par les Espagnols[v],
mais plus explicitement encore par les nations concurrentes. La découverte de
l’Amérique a-t-elle été utile ou nuisible au genre humain ? La question,
proposée en 1782 par l’Académie de Lyon d’après une suggestion de Raynal, nous
semble significative du fossé qui s’amplifie entre théoriciens et praticiens du
Nouveau Monde, pourtant issus du même creuset intellectuel. Les premiers
s’accordent pour dire, à la suite de De Pauw et de l’abbé Roubaud, que “la
conquête de l’Amérique est la plus affreuse des calamités que l’humanité ait
souffertes de la part de l’homme”[vi] ;
les seconds se placent au-delà de la controverse, se voulant d’abord des
vecteurs “d’où peuvent sortir de grands avantages pour l’accroissement des
Arts et des Sciences et par suite pour le bien de l’humanité”[vii].
Les découvertes et les conquêtes ne sont pas closes, mais s’inscrivent dans la
longue histoire des progrès de l’esprit humain. A ce titre, elles obtiennent
une nouvelle légitimité culturelle dont se targue Cook à bord du Discovery
ou Malaspina naviguant sur la Descubierta. Ici s’affirme aussi la
culture des voyageurs par rapport à celle des naturalistes de cabinet.
Contrairement à Buffon qui cherche à expliquer les causes de la diversité entre
les deux mondes, les premiers sondent les points communs. Humboldt résume cet
esprit conquérant :
“Quel que soit le motif, tout ce qui excite au mouvement, soit
erreur, soit prévision vague et instinctive, soit argumentation raisonnée,
conduit à étendre la sphère des idées, à ouvrir de nouvelles voies à
l’intelligence.”[viii]
Illustrant
ce propos, un militaire britannique en mission en Guyane, Stedman, n’hésite pas
à contredire les descriptions de Buffon[ix].
Quant au naturaliste, il est d’abord absorbé par les “trésors” qui s’offrent à
lui. Trésors tangibles, non comme ces prétendues montagnes couvertes d’or que
George Anson croit avoir aperçu depuis son navire au large du Brésil[x],
mais plantes, roches, étoiles. Le terme de trésor naturel revient sans cesse
dans la bouche des voyageurs qui s’usent à inventorier des richesses désormais
rendues accessibles à l’esprit scientifique. A Montevideo, en 1767, Commerson
commente ainsi la multitude à embrasser :
“Je n’ai pas laissé de faire une ample moisson de plantes,
d’oiseaux, de poissons, etc. Je voudrais bien que rien ne put m’échapper mais
comment faire, je ne suis ni un Argus ni un Briarée. Une chasse,
une pêche, une promenade me mettent dans l’embarras de Midas sous les mains
duquel tout devenait de l’or. Je ne sais souvent par où commencer j’en perds le
boire et le manger et il faut que le capitaine mon excellent ami pousse les
attentions jusqu’au point de ne m’accorder guère de la lumière que jusqu’à
minuit, parce qu’il s’est aperçu qu’au détriment de ma santé je dérobais
presque toute la nuit à mon sommeil pour pouvoir suffire à l’examen de tout ce
qui se présente à moi.”[xi]
A l’image de l’aventurier succède peu à peu celle du pèlerin, avec
tout le poids initiatique que le mot suggère. En effet, il s’agit presque
toujours d’un premier voyage et les instructions, si elles se précisent au fil
des années, laissent toute latitude au voyageur, à charge pour lui de revenir
muni de la bonne parole[xii].
Encore les instructions concernent-elles seulement la récollection des
données ; rien n’est dit ou presque quant aux régions abordées. Aussi le
recours aux récits de voyage, ainsi qu’aux auteurs pouvant les familiariser
avec le milieu américain, romanciers, essayistes, est une nécessité. Surtout,
l’expérience détermine le tempérament ; ainsi d’Aimé Bonpland dont son
compagnon décrit le caractère après une année d’exploration :
“C’est un élève digne de Jussieu, de Desfontaine, de
Richard ; il est actif, travailleur, il s’adapte facilement aux mœurs et
usages des hommes, parle très bien l’espagnol, et il est courageux et intrépide
-en un mot, il a des qualités exquises pour un voyageur naturaliste.”[xiii]
En plus de la filiation scientifique, la marche vers l’inconnu
rattache profondément les voyageurs à leurs prédécesseurs, qui demeurent les
références obligées et font naître un sentiment d’appartenance à la famille des
explorateurs. L’initiation n’est pas déterminée par une confrontation à la vie,
mais à la survie. L’esprit de sacrifice est une constante de la part d’hommes
pourtant non préparés aux dangers de l’exploration, et leur attitude face à la
mort ne lasse pas d’étonner. Le courage montré en maintes occasions toucherait
presque au “fanatisme” dont parle Raynal, s’il ne s’agissait d’“avoir
fait de si grands sacrifices pour avoir voulu le bon”, écrit Humboldt. “Rien
ne me préoccupe […] aussi obstinément que de sauver mes manuscrits et mes
herbiers”, ajoute-t-il. “Il est très incertain, presque invraisemblable,
que nous revenions sains et sauf”, aussi croit-il bon de rédiger son
testament scientifique[xiv].
Pèlerin mais aussi missionnaire, témoin et acteur, le voyageur se
veut le bras armé des Lumières. Il se rattache évidemment à la tradition de la conquête,
mais rompt peu à peu avec l’ordre divin pour adopter celui du progrès.
L’attitude culturelle change profondément entre les conclusions de Juan et
Ulloa, diffusées jusqu’à l’extrême fin du dix-huitième siècle, et celles de
leurs successeurs. En effet, les premiers donnent une vision close de
l’Amérique qui contraste avec le cosmopolitisme en expansion : “Aucun
monument ne nous apprend avec certitude que l’Amérique a pu avoir avec l’Ancien
Monde […] ; et l’on y est aussi étonné, que si l’on était réellement passé
dans un autre monde.” De cette particularité, “il n’est pas possible
d’en donner la raison, qu’en disant que l’Auteur de la Nature l’a ainsi voulu.
Ses secrets seront toujours une énigme pour l’entendement humain.” Le
Nouveau Monde est donc coupé de l’ancien, depuis l’époque du déluge
supposent-ils[xv].
L’idée d’une rupture originelle ne résiste cependant pas à la
systématisation de la séparation entre Dieu, l’homme et la nature qui s’opère
durant la seconde moitié du dix-huitième siècle. La conséquence en est la
tentative d’identification du Nouveau Monde à l’Ancien, à travers le processus
d’homogénéisation des savoirs. Dès l’expédition des limites à l’Orénoque,
développée entre 1750 et 1767, une volonté de rattacher les deux continents se
fait jour. Surtout, l’idée d’un progrès continu d’est en ouest, annoncé
notamment par Adam Smith et concernant le Nord du continent, s’applique-t-elle
aussi bientôt au Sud grâce à Humboldt, qui parvient à insérer ce progrès
culturel dans un mouvement naturel. La naturalisation des relations sociales
amène la mise en place d’un savoir unique certes[xvi],
mais aussi la conscience du caractère polycentrique du monde[xvii].
La constitution du savoir entre Europe et Amérique est d’abord le
résultat de l’émancipation du voyageur éclairé. Celui-ci parvient à réunir
empirisme et raison dans une démarche culturelle renouvelée[xviii].
Les instructions de Volney, parues en 1795, et celles de Gerondo, qui fournit
en 1800 le premier questionnaire nommé-ment ethnographique pour l’expédition Baudin,
réconcilient définitivement les Idéologues avec les empiristes, le
voyageur nouant un contact intellectuel et institutionnel plus étroit avec ses
bases. Dès lors, la constitution de ce savoir appelle un va-et-vient permanent
entre l’expérience et la mise en système de cette expérience. En participant
aux deux étapes du processus, le voyageur acquiert peu à peu un poids
intellectuel déterminant dans l’orientation du débat ; de fait,
l’émancipation scientifique à laquelle il contribue est aussi la sienne. En
s’appropriant un terrain d’étude gigantesque, il transforme de même l’identité
du Nouveau Monde qui, de miroir, devient laboratoire. Ainsi des mythes
importés d’Europe cédant devant l’exploration, ou au contraire de l’étrangeté
de la nature jugée à l’aune du vieux continent. Un “discours de la méthode”
s’élabore, visant à unifier les deux mondes[xix].
La saisie du réel est d’ailleurs d’essence pluridisciplinaire, et
les domaines à couvrir sont tellement vastes que les méthodes analytiques
divergent nécessairement. Le laboratoire américain est étudié de deux
manières : dans sa globalité, par une approche encyclopédique -c’est la
cas pour Malaspina ou Humboldt-, ou selon des problématiques limitées à une
demande institutionnelle, englobant généralement l’étude économique[xx].
Concernant cette seconde perspective, rappelons les études “américanistes”
avant la lettre menées à bien par les missionnaires. Partagé entre son
ministère et l’étude des langues guarani et abipone, le père autrichien Martin
Dobrizhoffer publie en 1784, après un séjour de vingt-deux ans au
Paraguay, une Historia de Abiponus equestris bellicos aque Paraquariae
natione.
La mise en forme des concepts développés permet une première reconstruction
du savoir. Les membres de l’expédition Malaspina se munissent de tous les
ouvrages nécessaires pour faire de leur bâtiment une “académie flottante”
capable non seulement de rassembler, mais encore de traiter l’information et de
la confronter aux sources plus anciennes. En ayant à leur disposition un
laboratoire et une académie, les scientifiques se voient attribuer une fonction
critique prééminente[xxi].
Vérificateur scrupuleux, Humboldt confronte systématiquement ses écrits aux
sources, ce qui leur donne un poids sans égal. Le renvoi aux notes, la présence
d’un index à la fin de l’Essai politique sur la Nouvelle-Espagne sont
autant de preuves de la volonté de construire un discours objectif et raisonné.
L’évolution méthodologique transparaît entre l’organisation de l’ouvrage
d’Ulloa, divisé en nombreux discours, et celle prévue par Malaspina, comprenant
trois parties : relation, état physique et politique des zones abordées[xxii].
Afin de prolonger le regard et d’en gommer les imperfections, on
se munit des instruments qui sont placés au centre de l’aventure par La
Condamine, et qui permettent la mise en réseau des informations. Humboldt se
vante d’ailleurs de surpasser son prédécesseur en apportant sur les cimes des
volcans péruviens les moyens de relever “les mesures qu’il était intéressant
de connaître”. Ainsi réalise-t-il une périlleuse ascension “pour y
porter un électromètre de Volta”[xxiii].
Il s’agit véritablement de l’alliance de la passion et de la raison, prouvée
encore par Commerson qui, avant de s’extasier face à la nature américaine,
rédige un mémoire qui fera école en détaillant les observations d’histoire
naturelle à réaliser durant le voyage. Cette “éthique de la précision et de
l’exactitude”[xxiv]
permet au voyageur éclairé de s’effacer derrière une démarche privilégiant
l’expérience déductive au détriment de la tradition imaginaire. En privilégiant
la référence au milieu -grâce à l’expérience in vivo- et non plus à son
milieu, le voyageur s’émancipe d’une culture de l’“Amérique-miroir” pour
s’orienter, grâce à un processus de normalisation, vers celle de
l’ “Amérique-laboratoire”.
Il s’agit d’une évolution évidemment contrastée, les cultures se
mêlant et se répondant. En 1788, Malaspina évoque “la collecte possible de
Curiosités pour le Cabinet Royal et le Jardin Botanique”. Dombey, plus
nuancé, parle de “ces sortes de curiosité” que sont les vases péruviens,
ou de “choses curieuses” pour des minéraux acquis au Brésil, avant que
le terme d’échantillon s’impose dans le récit d’Alexandre de Humboldt[xxv].
Parallèlement, le glissement des cabinets de curiosités vers ceux d’histoire
naturelle fait entrer les hommes sauvages dans l’ordre de la nature. Sans être
considérées comme porteuses de culture, ces sociétés cessent néanmoins de
relever de la curiosité pour devenir un propos d’étude[xxvi].
Elles cessent en même temps d’être le prétexte à une fustigation des normes
culturelles européennes. Mais là encore les voyageurs restent parfois
prisonniers de leur héritage culturel : “J’ai des os de géants
minéralisés ; deux superbes mâchoires et un fémur entier” annonce
fièrement Dombey en 1785[xxvii].
Une préoccupation constante concerne en effet les mythes,
plongeant souvent leurs racines en Europe, comme c’est le cas pour celui des
Amazones. La Condamine se rapproche de cette “république de femmes”,
qu’il situe “dans les montagnes au centre de la Guyane et dans un canton ou
les Portugais du Pará ni les Français de Cayenne n’ont pas encore pénétré”.
Mais, précise-t-il, “cette nation ambulante pourrait bien avoir encore
changé de demeure”[xxviii].
Un demi-siècle plus tard, Alexandre de Humboldt ne met pas en doute le récit de
La Condamine mais, sans pouvoir apporter de preuves, il s’emploie à détruire le
mythe[xxix].
Humboldt annihile aussi celui de l’Eldorado, en apportant cette fois la
caution de la vérification positive qui sonne le glas “de la géographie
qu’on pourrait appeler spéculative, pour ne pas dire divinatoire”[xxx].
La volonté de rationalisation en ce domaine débute dès les années 1750, grâce à
l’expédition à l’Orénoque, pour laquelle on retrouve la même horreur du vide.
Lors de celle-ci, les informations modernes et empiriques prennent le pas sur
la tradition mythique. Constatant que “dans cette vaste zone de l’Amérique,
[la] géographie […] a été et reste un jeu de devinettes entre géographes de
premier ordre”, les hommes de la mission s’attachent à faire disparaître au
possible le terme de terre inconnue, “notion culturellement honteuse”
pour les ilustrados[xxxi].
Qu’ils soient d’origine locale ou européenne, les mythes sont dès
lors soumis à la vérification systématique des voyageurs[xxxii].
Mais l’exploration de l’Amérique n’en est encore qu’à ses tâtonnements, et
l’espace laissé à l’imagination n’explique pas la persistance de certains
mythes au détriment d’autres. La recherche de l’unité, de l’universalité, joue
dans ce domaine un rôle essentiel[xxxiii].
La religion en subit les conséquences, avec la fin des utopies bibliques. Les
références au paradis terrestre, à l’évangélisation précolombienne font place à
un discours où le comparatisme l’emporte sur le providentialisme. Répondant à
Feijoo pour qui, dès 1747, l’histoire naturelle apparaît comme un défi
permettant à l’Espagne de sortir de la prison métaphysique dans laquelle elle
est enfermée[xxxiv],
Malaspina abandonne les articulations entre milieu naturel et tradition
évangélique proposées par Ulloa. Pour sa part, Humboldt conclut de son
expérience en Amazonie : “Chez tous les peuples de la terre, les idées
superstitieuses prennent la même forme au commencement et au déclin de la
civilisation”[xxxv].
La démarche inductive supplée à la déduction.
A cet égard, la relation de voyage impose sa présence récurrente,
malgré son caractère pittoresque déplaisant aux hommes de science mais qui, de
La Condamine à Lévi-Strauss, apparaît pourtant comme corollaire indispensable
du travail scientifique, précisément pour faire place à une classe
d’observations difficilement intégrables dans le corpus scientifique
traditionnel. Malgré une oeuvre déjà gigantesque, Humboldt se résout à publier
une relation, se justifiant longuement de la raison d’être de cet “anti-récit
de voyage”[xxxvi]:
“J’avais quitté l’Europe dans la ferme résolution de ne pas
écrire ce que l’on est convenu d’appeler la relation historique d’un voyage
[…]. J’avais rangé les faits, non pas dans l’ordre dans lesquels ils s’étaient
présentés successivement, mais d’après les rapports qu’ils ont entre eux. […]
En m’y livrant, je n’avais d’autre but que de conserver quelques unes de ces
idées éparses qui se présentent à un physicien […] de réunir provisoirement une
multitude de faits que je n’avais pas le temps de classer […] Les difficultés
que j’ai éprouvées depuis mon retour, dans la rédaction d’un nombre
considérable de mémoires destinés à faire connaître certaines classes de phénomènes,
m’ont fait vaincre insensiblement mon extrême répugnance à écrire la relation
de mon voyage. […] Il est des détails de la vie commune qu’il peut être utile
de consigner dans un itinéraire, parce qu’ils servent à régler la conduite de
ceux qui parcourent les mêmes contrées après nous ; mais j’ai supprimé la
plupart de ces incidents personnels qui n’offrent pas un véritable intérêt de
situation, et sur lesquels la perfection du style peut seule répandre de
l’agrément.”[xxxvii]
Avec Humboldt,
le voyageur éclairé veut décrire plutôt que se raconter. Il assume “une
position privilégiée de chercheur-témoin qui se place en même temps au-dedans
et au-dessus de son objet”[xxxviii].
La vision, plus précise et plus scientifique, montre l’Amérique espagnole dans
sa complexité. Cet empiriste, persuadé de la supériorité de la pratique sur la
théorie, réfute par exemple l’inertie attribuée au système monopolistique pour
mettre en avant le dynamisme de l’interlope favorisé lors des guerres
européennes[xxxix].
La fluidité des échanges entre les deux continents est, pour Humboldt, la
condition indispensable au développement de la civilisation atlantique.
Précisément, la Corona s’applique à préserver le
sanctuaire américain des intrusions culturelles étrangères, et les moyens mis
en œuvre lors du dernier tiers du dix-huitième siècle traduisent la volonté
métropolitaine de maîtriser la divulgation du savoir. Deux exemples illustrent
la tension existant chez les voyageurs espagnols entre le désir de conserver
leurs “trésors” et celui de les partager et permettre à leurs homologues la
poursuite de l’exploration. Dans le premier cas Ruiz et Pavón profitent de
l’interdiction de publier à laquelle est soumis Dombey, afin de monopoliser la
gloire de la mission au Chili et au Pérou à leur retour en Espagne, en 1788.
Pour sa part, Malaspina tombe en disgrâce pour s’être montré trop “libéral”
dans ses conclusions concernant la politique à suivre dans les colonies
espagnoles[xl].
Avant-garde des Lumières, le voyageur l’est également de sa
nation. En offrant plus que les autres pays pour le progrès des
connaissances humaines, Cook contribue d’abord, dit-il, à la “grandeur de la
Couronne de Grande-Bretagne”. Ici les tensions sont réelles entre le
nationalisme et l’universalisme. Si celui-ci paraît faire des émules en Europe[xli],
il montre en tout cas ses limites dans les colonies espagnoles et explique les
difficultés de pénétration au sein du continent. De fait, si les résultats du
voyage de Malaspina touchant aux aspects militaires sont divulgués, l’ambition
étant de répliquer aux voyages de Cook, les intentions sont d’ordre
nationalistes[xlii].
Ce n’est qu’en 1799 que s’instaure une confiance entre l’étranger Humboldt et
le gouvernement espagnol, au point que celui-ci renonce à placer le Prussien
sous tutelle et accepte la divulgation de ses recherches dans le reste de
l’Europe. Face aux attaques proférées à l’encontre du colonialisme dans l’Essai
politique sur l’île de Cuba, l’Espagne, à défaut de pouvoir empêcher la
publication, censure l’ouvrage.
La littérature prohibée pénètre néanmoins parmi les élites
créoles, dont la culture est louée par Ulloa, soucieux de réfuter les thèses
concernant la dégénérescence des Européens en Amérique, avant que leur
apprentissage des Lumières, réalisé notamment grâce aux Sociedades
Económicas de Amigos del País, normalise leurs propos[xliii].
Forts d’une filiation culturelle commune, les créoles accèdent au rang
d’interlocuteurs privilégiés. A cet égard, leur collaboration scientifique est
exemplaire. Le botaniste José Mariano Mociño, les peintres Vicente de la Cerda
et Atanasio Echeverría, natifs de Nouvelle-Espagne, sont ainsi recrutés pour
l’expédition menée à bien sur leurs terres de 1787 à 1797. Caldas et Humboldt se
côtoient durant six mois en 1802[xliv].
Dans beaucoup d’autres cas, les Européens profitent de leur séjour pour former
de jeunes pousses capables de poursuivre leur travail.
Traverser l’océan n’est d’ailleurs pas l’apanage des Européens.
Les créoles effectuent leur Grand Tour en Europe, tel Carlos Montufar
profitant du passage de Bonpland et Humboldt pour les accompagner jusqu’en
France. Les causes du séjour en Espagne sont trop diverses pour être
développées ici ; rappelons simplement que le néo-grenadin Francisco Zea,
nommé professeur d’histoire naturelle à Bogotá en 1786 et participant à
l’expédition de Mutis, est emprisonné deux années en Espagne pour avoir adhéré
aux thèses révolutionnaires françaises, puis, après sa remise en liberté,
devient un fer de lance des indépendantistes en Europe. Aussi, les Miranda et
Bolívar ont-ils côtoyé les milieux éclairés avant de revenir en Amérique mettre
en pratique les idées acquises au contact du laboratoire européen. D’autres
enfin entament aussi un voyage d’ouest en est, mais sans retour celui-là. A
partir de 1767, après leur expulsion, les jésuites diffusent une culture qui
incarne “une époque où la rencontre entre l’Europe et l’Amérique se situe au
confluent de plusieurs courants de pensée, parfois contra-dictoires :
d’une part, l’esprit de la mission évangélique, de l’autre l’idéologie des
Lumières.”[xlv]
Les jésuites s’avèrent les meilleurs défenseurs de la culture créole, une
avant-garde très remuante en Europe comme en témoignent leurs écrits et les
réactions sans ambages de l’Espagne[xlvi].
En outre, le désir partagé de la normalisation amène parfois le
voyageur à épouser les revendications de ses hôtes, comme le fait Humboldt, en
insistant sur le sentiment américaniste qui se développe au Mexique,
particulièrement depuis 1789…[xlvii]
Si les Européens succombent facilement au mirage de l’infériorité créole
vis-à-vis d’une caste dominante espagnole, il semble difficile de parler d’une
“créolisation” du voyageur. En dépit de la fascination qu’exerce l’Amérique[xlviii],
l’inversion du discours privilégiée par les créoles -de la répulsion à
l’exaltation, telle qu’elle transparaît dans les écrits de Clavijero et de son
disciple Alzate[xlix]-
conduit à une impasse. Un terrain d’entente se dessine autour de la notion de
progrès utilisée par les Américains pour faire valoir la reconnaissance de leur
identité et de leurs droits. Intégrée, normalisée mais attardée, surtout si on
la compare aux Etats-Unis -ce dont les voyageurs ne se privent pas-, l’Amérique
ibérique se dirige vers un âge d’or qui, pour s’acquérir, implique la négation
d’une partie de son identité. Quitter l’enfance implique des sacrifices.
Car du polycentrisme découle d’autres schèmes marqués par un
ethnocentrisme développé de part et d’autre de l’Atlantique. Ethnocentrisme non
raciste mais progressiste, universaliste :
“Dans
l’Amérique septentrionale, […] un voyageur qui part d’une ville principale où
l’état social est perfectionné, traverse successivement tous les degrés de
civilisation et d’industrie qui vont toujours en s’affaiblissant […]. Un tel
voyage est une sorte d’analyse pratique de l’origine des peuples et des Etats.
On part de l’ensemble le plus composé pour arriver aux données les plus
simples ; on voyage en arrière dans l’histoire des progrès de l’esprit humain ;
on retrouve dans l’espace ce qui n’est dû qu’à la succession du temps”[l]
constate
Humboldt qui, du même coup, renvoie l’homme sauvage à une représentation des
premières phases du développement d’une société humaine universelle qui le
condamne à disparaître[li].
Vivant sans passé ni futur, sans travail, le sauvage est donc exclu de la
civilisation[lii].
Le modèle de référence pose d’ailleurs un problème aux voyageurs face aux
civilisations précolombiennes. L’incompréhension rebute les voyageurs. Face à
des sociétés ayant atteint un degré de perfectionnement indéniable mais dont
les phases de développement ne permettent pas une classification uniforme,
comment les insérer dans l’histoire ? Comment expliquer “l’imagination
égarée d’un peuple qui se plaisait à offrir le cœur palpitant des victimes
humaines à des idoles gigantesques et monstrueuses”[liii] ?
Le comparatisme montre ici ses limites. Jugés d’inspiration satanique au
seizième siècle, les restes de la civilisation aztèque perdent cette cohérence
lorsqu’il s’agit de faire coïncider architecture et société deux siècles plus
tard. A ce titre, les tentatives de lecture de Humboldt empruntent au
christianisme, à l’Antiquité, au Moyen Age, aux Chinois et aux Hindous.
Finalement, cette “branche intéressante de l’Antiquité” prouve que “des
nations entières peuvent avancer rapidement vers la civilisation, sans que les
institutions politiques et les formes de leur culte perdent entièrement de leur
ancienne barbarie”[liv].
Des “demi-barbares”, dont il serait curieux de placer l’art “à côté
des belles formes qu’à vu naître le ciel de la Grèce et de l’Italie”, voilà
ce que sont les anciens Mexicains pour le voyageur éclairé, au grand dam cette
fois des créoles. Le mirage d’une civilisation universelle n’échappe pas à ses
propres contradictions[lv].
De la somme de connaissances refluant en Europe, un grand nombre
pourrit toutefois. Car s’ils sont une avant-garde des Lumières, les voyageurs
en assument les déboires, et force est de constater que la reconnaissance est
rarement au rendez-vous. Les résultats obtenus par l’expédition Godin au Pérou
sont occultés par ceux de Maupertuis. Joseph de Jussieu, le naturaliste de
l’expédition, ne laisse après un séjour de trente-six ans que des notes et une
correspondance[lvi].
De même les collectes du naturaliste de Bougainville, Commerson, effectuées en
grande partie au Río de la Plata, demeurent enfouies au Jardin du roi. Péron
doit se battre pour que soit reconnu son travail et accéder finalement à
l’Institut, chance que Bonpland ne partage pas, jetant l’éponge et repartant
pour l’Amérique en quête d’une improbable promotion[lvii].
En 1781, Dombey laisse éclater sa rancœur vis-à-vis des conflits entre savants
:
“La diversité des sentiments sur la marche ou le travail
occasionne des mésintelligences qui quoiqu’elles n’éclatent pas, ulcèrent les
cœurs. […] Ne point haïr son compagnon qui reçoit une faveur, une récompense
que l’on ne reçoit pas soi-même et que l’on croit mériter, est une si belle
vertu, que l’homme qui n’en haïrait pas un autre dans ce cas, mériterait des
autels…[…] je parle de la jalousie qui s’engendre entre quelques personnes qui
suivent une même carrière. Dans ce cas-là, une louange, quelques préférences
accordées à celui qui aura des talents supérieurs, suffiront pour le faire détester
de ses compagnons de voyage […] La vertu, les bonnes actions, filles de la
vertu, suffisent pour se faire des ennemis de ceux avec lesquels on doit passer
une partie de sa vie. Il est assez ordinaire de voir des expéditions manquer
par de tels motifs.”[lviii]
Et que
dire des résultats espagnols ? Très peu sont publiés, malgré la levée de
la censure, et les énormes moyens mis en œuvre le sont en pure perte. Une
subvention lancée en 1791 dans l’ensemble des possessions, afin de publier une Flora
Americana rassemblant les fruits de cinquante années de recherche, échoue à
réunir les fonds nécessaires. Ruiz et Pavón parviennent néanmoins à publier une
partie de leurs travaux grâce à leur abnégation dans la recherche des fonds[lix].
L’ultime expédition du siècle, dirigée par le comte de Mopox à Cuba entre 1796
et 1802, ne connaît pas de meilleur sort que ses devancières[lx].
Une fois encore, les trésors du Nouveau Monde échappent aux Espagnols[lxi].
La botanique est pourtant la science reine, celle dont la nomenclature rend possible
la constitution d’un savoir universel et celle qui permet aussi le mieux d’ôter
sa monstruosité au Nouveau Monde.
A travers le survol d’un demi-siècle de voyages entre l’Europe et
l’Amérique, nous pouvons mesurer les avancées réalisées d’abord en ce qui
concerne l’isolement culturel de l’Amérique ibérique. A défaut de former une
réelle communauté scientifique, une “République des savants”, les voyageurs
tissent un réseau qui va alimenter un regain d’intérêt pour le continent, et
d’abord de la part de ses habitants. En dépassant, grâce à leur “empirisme
raisonné”, la rupture entre légendes noire ou rose, ils émancipent le Nouveau
Monde d’une tutelle culturelle pesante. La construction d’une civilisation
atlantique profite directement aux créoles, qui participent activement à
l’immense tentative de compréhension de leur patrie.
Depuis les natures et les cultures observées, jusqu’à
celles restituées, le jeu des filtres culturels est évidemment fondamental dans
le processus de restitution de l’information. Mais les efforts intentés
notamment pour relier la nature à la culture, l’intérêt scientifique de plus en
plus développé vis-à-vis des sociétés rencontrées, ouvrent un nouveau monde aux
voyageurs de la seconde moitié du dix-huitième siècle. Mais cette nouveauté
change d’essence depuis Ulloa jusqu’à Humboldt en même temps que s’affirment
les Lumières, et surtout leurs missionnaires qui profitent d’un terrain
d’expérimentation privilégié. Porteurs d’une culture, les voyageurs se voient
offrir d’autres perspectives dans la constitution du savoir. L’interaction
aboutit à la fin du siècle à la formation de sciences nouvelles telle
l’ethnologie. Le voyageur naturaliste prépare sa propre fin face à la nécessité
de diviser les terrains d’études au fur et à mesure que se complexifient les
approches, qui elles-mêmes serviront bientôt à développer d’autres sciences,
mais aussi d’autres mythes. En effet, le concept du paradis terrestre se
déplace du continent américain vers les îles pacifiques, fait significatif de
la persistance d’une quête à l’aube de l’âge romantique.
Par leurs sacrifices aussi, les
voyageurs préparent l’exploration européenne ultérieure du Nouveau Monde, qui
peut servir de laboratoire et de modèle à celle des autres continents. En
effet, la pénétration à l’intérieur des terres en vue d’obtenir des
informa-tions scientifiques et non plus seulement des richesses, constitue un
développement important de la démarche intellectuelle. Le transfert des
savoir-faire, des formations et des informations reste et restera pendant longtemps le seul moyen de préparer
le voyage ; le prestige naissant entourant l’explorateur, le recours à
celui-ci va le transformer, surtout après les indépendances hispano-améri-caines,
en une icône chargée du pouvoir de comprendre l’autre et l’ailleurs, parce
qu’il en a souffert et parce qu’il en a ramené la bonne parole. Surtout, les
sacrifices endurés lors de la seconde moitié du dix-huitième siècle préparent
l’expansion coloniale européenne du siècle suivant, le Siècle d’Or des
explorateurs.
Cédric Cerruti
Université de La Rochelle
[i] Tel Joseph Dombey, voyageant d’abord en France, initiant Jean-Jacques
Rousseau à la botanique, et rapidement mis en relation avec les naturalistes du
Jardin du roi, recours indispensables à la préparation du voyage.
[ii] Voir Friedrich Wolfzettel, Le discours du voyageur. Le récit
de voyage en France, du Moyen Age au XVIIIe siècle, Paris, PUF, 1991,
p.286-290.
[iii] Voir Anthony Pagden, European
Encounters with the New World. From Renaissance to Romanticism, Yale
University Press, New Haven & London, 1993, p.157-162. La critique de Raynal vis-à-vis des voyages de découverte est
particulièrement féroce : “Depuis les audacieuses tentatives de Colomb
& de Gama, écrit-il, il s’est établi dans nos contrées un fanatisme
jusqu’alors inconnu : c’est celui des découvertes. On a parcouru &
l’on continue à parcourir tous les climats vers l’un & vers l’autre pole,
pour y trouver quelques continents à envahir, quelques îles à ravager, quelques
peuples à dépouiller, a subjuguer, à massacrer. […] Les expéditions de long
cours ont enfanté une nouvelle espèce de sauvages nomades. Je veux parler de
ces hommes qui parcourent tant de contrées qu’ils finissent par n’appartenir à
aucune ; […] qui n’ont vraiment ni pères, ni mères, ni enfants, ni frères,
ni parents, ni amis, ni concitoyens.” Histoire philosophique et
politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes,
Paris, 1780, t.X, p.473-475.
[iv] Citations [in] Friedrich Wolfzettel, Le discours du voyageur.
Le récit de voyage en France, du Moyen Age au XVIIIe siècle, op. cit.,
p.293-297.
[v] Voir Fermin del Pino Diaz, “L’Amérique et le développement de la
science en Espagne au XVIIIe siècle : tradition, innovation et
représentation à propos de Francisco Hernandez” [in] L’Amérique espagnole à
l’époque des Lumières, p.101-122.
[vi] Citation [in] Antonello Gerbi, La disputa del Nuevo Mundo.
Historia de una polémica (1750-1900), Mexico, FCE, 1993 (1955), p.150.
[vii] Instruccion […] para pasar a la America Meridional en
compañia del Medico Dr Josef Dombey, 1777. Citation [in] Ernest Théodore
Hamy, Joseph Dombey, médecin, naturaliste, archéologue, explorateur du
Pérou, du Chili et du Brésil (1778-1785), Paris, E. Guilmoto, 1905, p.XXIV.
[viii] Citation [in] Charles Minguet, Alexandre de Humboldt,
Historien et géographe de l’Amérique espagnole (1799-1804), Paris,
L’Harmattan, 1997 (1969), p.586-587. Jean-Pierre Clément résume parfaitement
cette continuité entre le Siècle d’Or et celui des Lumières : “il faut
attendre le XVIIIe siècle pour voir apparaître un renouveau, une sorte de
seconde Renaissance ; un élan d’enthousiasme porte les Européens, un
appétit de savoir les pousse à essayer de connaître la nature de la façon la
plus complète possible.” Jean-Pierre Clément, “Botanique et Lumières en
Espagne (A propos d’un ouvrage récent, la Flora Peruviana)” [in] Carlos
Serrano, Jean-Paul Duviols, Annie Molinié, dir., Les voies des Lumières. Le
monde ibérique au XVIIIe siècle, Paris, Presses de l’Université de
Paris-Sorbonne, 1998, p.151-163. “C’est bien la conquête de l’Amérique qui
annonce et fonde notre identité présente […]. Nous sommes tous les descendants
directs de Colomb, c’est en lui que commence notre généalogie” clame encore
Tzvetan Todorov. Tsvetan Todorov, La conquête de l’Amérique. La question de
l’Autre, Paris, 1982, p.14.
[ix] J.G. Stedman, Voyage à Surinam et dans l’intérieur de la Guyane,
Amsterdam, 1787, p.231.
[x] Georges Anson, Voyage autour du monde, Paris, Utz, 1992
(1749), p.61.
[xi] Sur la formation et le caractère des voyageurs-naturalistes,
voir Yves Laissus, “Les voyageurs-naturalistes du Jardin du roi et du Muséum
d’histoire naturelle : essai de portrait-robot” [in] Revue d’Histoire
des Sciences, vol.XXXIV, 1981, p.261-317.Citation p.312.
[xii] Tel Séguier, conseillant Dombey avant son départ pour le Pérou,
en 1777 : “Voilà bien des occupations et des remarques à faire ; je
connais votre zèle et votre patience et j’en espère tout” Citation [in]
Ernest Théodore Hamy, Joseph Dombey […], op. cit., p.322.
Philibert Commerson rédige son propre programme avant son embarquement avec
Bougainville, en 1772.
[xiii] Lettre à Willdenow, février 1801, in Ernest Théodore
Hamy, Lettres américaines d’Alexandre de Humboldt, Paris, E. Guilmoto,
1905, p.114.
[xiv] Ibid., p.107-108 et 142.
[xv] Antonio de Ulloa, Mémoires philosophiques, historiques,
physiques…, Paris, 1787, tome I, p.6-7, 10-11 ; tome II, p.112-119.
[xvi] Voir Edgardo Lander, “Ciencias sociales : saberes
coloniales y eurocénticos” [in] Edgardo Lander, comp., La colonialidad del
saber : eurocentrismo y ciencias sociales. Perspectivas latinoamericanas,
Buenos Aires, CLASCO, 2000, p.11-40.
[xvii] Voir Antonello Gerbi, La disputa del Nuevo Mundo. Historia de
una polémica (1750-1900), op.cit., p.158, 172-173. L’étude du milieu
est à l’origine du constat d’Alexandre
de Humboldt concernant le Mexique : la nature, en plaçant cette nation au
centre d’un réseau d’échanges, détermine son évolution culturelle. Voir
Alexandre de Humboldt, Essai politique sur le royaume de Nouvelle-Espagne,
Paris, Utz, 1997 (1810), p. 45-64, 405-406.
[xviii] George Anson, qui s’est attardé le long des côtes américaines
lors de son tour du monde, incarne le rapprochement s’effectuant parallèlement
entre le voyageur de long cours et l’homme de science. Contre les préjugés
énonçant qu’un bon homme de mer doit être aussi rude et intraitable que son
élément, ou que les sciences et les arts sont les ennemis du vrai courage,
l’Anglais répond que les meilleurs dessins sont de la main de Piercy Brett, un
“grand combattant” ; “les beaux-arts sont bien éloignés de diminuer
en rien la valeur, le sens et l’adresse de ceux qui s’y appliquent […] il
n’y a aucune profession qui exige plus de théorie et de réflexion de la marine.”
Georges Anson, Voyage autour du monde, op. cit., p.25. Voir
également Etienne Taillemite, Marins français à la découverte du monde, de
Jacques Cartier à Dumont d’Urville, Paris, Fayard, 1999, p. 207-209.
[xix] Unifier aussi les deux mondes du savoir et de l’expérience. A ce
propos, voir l’évolution de la représentation du savant au travail de Raynal à
Humboldt étudiée par Ottmar Ette, “La puesta en escena de la mesa de trabajo en
Raynal y Humboldt” [in] Cuadernos americanos, juillet-août 1994, n°46,
p.29-68.
[xx] Tel Fusee de Aublet, envoyé à Cayenne comme pharmacien et
botaniste entre 1762 et 1765, et qui publie en 1775 une Histoire des plantes de la Guiane française, rangées selon
la méthode sexuelle, avec plusieurs mémoires sur différents objets intéressants,
relatifs à la culture et au commerce de la Guiane française, et une notice des
plantes de l’île de France.
[xxi] Marisa Gonzalez Montero de Espinosa, La Ilustración y el hombre
americano. Descripciones etnológicas de la expedición Malaspina, Madrid,
CSIC, 1992, p.99-105.
[xxii] Ibid., p.58.
[xxiii] Ernest Théodore Hamy, Lettres américaines d’Alexandre de
Humboldt, op. cit., p.131-140.
[xxiv] Voir Marie-Noëlle Bourguet, Christian Licoppe, “Voyages, mesures
et instruments. Une nouvelle expérience du monde au siècle des Lumières” [in] Annales
HSS, septembre-octobre 1997, n°5,
p.1118-1120.
[xxv] Citation [in] Laurent Vidal, “L’expédition Malaspina
(1788-1794) : les sciences espagnoles au service de la politique
coloniale” [in] Guy Mertiniere, Laurent Vidal, Les Européens et la mer au
XVIIIe siècle, les Ibériques de l’Atlantique au Pacifique, Paris, Ophrys,
1997, p.122 ; Ernest Théodore Hamy, Joseph Dombey […], op. cit.,
p.126-127 ; Lettres américaines d’Alexandre de Humboldt, op.cit.,
p.141.
[xxvi] Anne Vitart, “Notre monde rencontre un autre monde. Cabinets de
curiosités : la part de l’Amérique” [in] Joëlle Rostkowski, Sylvie Devers,
dir., Destins croisés: cinq siècles de
rencontres avec les Amérindiens, Paris, Albin Michel, 1992, p.241-248.
[xxvii] Ernest Théodore Hamy, Joseph Dombey
[…], op.cit., p.128.
[xxviii] Charles-Marie de La Condamine, Voyage sur l’Amazone.
Citation [in] Jean-Pierre Sanchez, Mythes et légendes de la conquête de
l’Amérique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1996, tome II, p.649.
[xxix] L’enquête de Humboldt à ce sujet met l’accent sur la diffusion
du mythe au sein de tribus n’ayant pas de contacts entre elles ni avec les
Blancs. Et de conclure par la rationalisation d’un phénomène local : “Non
qu’il y a des Amazones sur les rives du Cuchivero, mais que, dans différentes
parties de l’Amérique, des femmes, lasses de l’état d’esclavage dans lequel
elles sont tenues par les hommes, se sont réunies, comme les nègres fugitifs,
dans une palenque ; que le désir de conserver leur indépendance les a
rendues guerrières[…]. Il suffit que cette société de femmes ait acquis quelque
force dans une des parties de la Guyane pour que des événements très simples,
qui ont pu se répéter en différents lieux, aient été dépeints d’une manière
uniforme et exagérée. C’est le propre des traditions.” Voyage aux
régions équinoxiales du Nouveau Continent fait en 1799 et 1800 par A. de
Humboldt et A. Bonpland. L’Orénoque, Paris, Club des Libraires de France,
1960 (1819), p.295-298.
[xxx] Ibid., p.277 ; voir aussi “la fin des géographies
imaginaires” étudiée par Michel Pouyllau, “Une géographie de l’Eldorado”
[in] Découvertes et explorateurs, Bordeaux, Maison des pays ibériques,
L’Harmattan, 1994, p.451-463.
[xxxi] Manuel Lucena Giraldo, “La géographie de l’Eldorado. Une
approche de la représentation du Nouveau Monde à travers la expedición de
limites al Orinoco” [in] Michel Bruneau, Daniel Dory, dir., Géographie des
colonisations, XVe-XXe siècles, Paris, L’Harmattan, 1994, p.234-235.
[xxxii] Pour une liste exhaustive de ces mythes et de leur évolution,
voir Jean-Pierre Sanchez, Mythes et légendes de la conquête de l’Amérique,
op. cit.
[xxxiii] Voir Marie-Noëlle Bourguet, “L’explorateur” [in] Michel Vovelle,
dir., L’Homme des Lumières, Paris, Seuil, 1996, p.285-345.
[xxxiv] Andrés Galera, Marcelo Frias, “Félix de Azara et l’Histoire
naturelle de Buffon” [in] Yves Laissus, coord., Les naturalistes
français en Amérique du Sud. XVI-XIXe siècles, Paris, CTHS, 1995, p.57.
[xxxv] Jean-Pierre Sanchez, Mythes et légendes de la conquête de
l’Amérique, op. cit., p.91, 204-211 ; Marisa Gonzalez Montero
de Espinosa, La Ilustración y el hombre americano. Descripciones etnológicas
de la expedición Malaspina, op. cit., p.86, 122, 132 ;
Alexandre de Humboldt, Essai politique sur le royaume de Nouvelle-Espagne,
op. cit., p.181.
[xxxvi] L’expression est de Christophe Cordonnier, “La relation
historique du voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent : un
anti-récit de voyage” [in] Acta Geografica, n°123, 2000, vol.III,
p.77-99.
[xxxvii] Alexandre de Humboldt, La relation historique du voyage aux
régions équinoxiales du Nouveau Continent, op.cit., p.7-9.
[xxxviii] Friedrich Wolfzettel, Le discours du voyageur. Le récit de
voyage en France, du Moyen Age au XVIIIe siècle, op. cit., p.275.
[xxxix] Voir Miguel Angel Puig Samper, coord., “Alejandro de Humboldt y
el mundo hispánico. La Modernidad y la Independencia americana” [in] Debate
y Perspectivas, n°1, décembre 2000.
[xl] Anne-Marie Brenot, “Les voyageurs français dans la vice-royauté
du Pérou au XVIIIe siècle” [in] Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine,
XXXV, 1988, p.252-253 ; Marisa Gonzalez Montero de Espinosa, La
Ilustración y el hombre americano. Descripciones etnológicas de la expedición
Malaspina, op.cit., p.58.
[xli] En 1778, Louis XVI se laisse rapidement convaincre “d’ordonner
à tous les officiers de sa marine ou armateurs particuliers qui pourraient
rencontrer le Capitaine Cook de s’abstenir de toutes hostilités envers lui et
son bâtiment” au nom du “progrès des connaissances humaines” [in]
Ernest Théodore Hamy, Joseph Dombey […], op. cit., p.173.
L’articulation des intentions nationalistes et universalistes, la prédominance
de l’une sur l’autre jouent sans doute un grand rôle dans la constitution du
savoir, en Amérique et ailleurs. Quelle aurait été la réaction du roi de France
si les résultats de Cook n’étaient pas promis à la divulgation ?
[xlii] Fernando Monge, “La honra nacional en las expediciones de Cook y
Malaspina : una visión antropológica” [in] Mariano Esteban Piñero et
al., coord., Estudios sobre historia de la ciencia y de la tecnica,
Valladolid, Junta de Castilla y León, 1986, vol.II, p.703-713.
[xliii] Voir Antonello Gerbi, La disputa del Nuevo Mundo. Historia de
una polémica (1750-1900), op.cit., p.123, 227-235, 386 ;
Alberto Saladino-Garcia, “Función modernizadora de las “Sociedades Económicas de Amigos del País” en el Nuevo Mundo” [in] Cuadernos Americanos, mars-avril
1993, n°38, p.225-236.
[xliv] Voir Juan Carlos Arias Divito, Las expediciones científicas
españolas durante el siglo XVIII. Expedición botánica de Nueva España,
Cultura Hispánica, Madrid, 1968, p.30-45 ; John W. Appel, Francisco
José de Caldas. A Scientist at Work in Nueva Granada, Philadelphie, American Philosophical
Society, 1994, p.20-34.
[xlv] Jeanne Chenu, “Une interprétation “éclairée” de la province de
Santa Marta : vision d’un Jésuite exilé, le Padre Antonio Julián” [in]
Marie-Cécile Benassy et al., Etudes sur l’impact culturel du Nouveau
Monde, Paris, L’Harmattan, 1981, tome I, p.75-76.
[xlvi] Tel l’Argentin Juan José Godoy, emprisonné à Cadix en 1787 après
avoir été soupçonné de vouloir “sublevar o perturbar alguna de nuestras
posesiones”. Voir Guillermo Furlong, Los Jesuitas y la cultura
rioplatense, Buenos Aires, Editorial Biblos, 1994, p.161-174. Pour une
approche globale de l’œuvre culturelle jésuite en Europe, voir Antonello Gerbi,
La disputa del Nuevo Mundo. Historia de una polémica (1750-1900), op.cit.,
p.243-291.
[xlvii] “L’Européen le plus misérable, sans éducation, sans culture
intellectuelle, […] peut un jour parvenir à des places dont l’accès est presque
interdit aux natifs, même à ceux qui se distinguent par leur talent, par leurs
connaissances et par leurs qualités morales”, commente-t-il dans son Essai
politique sur la Nouvelle-Espagne, op. cit., p.145-146. Les passages
les plus saillants sont cités par Salvador de Madariaga, Le déclin de
l’empire espagnol d’Amérique, Albin Michel, Paris, 1958, p.233-236.
[xlviii] Fascination que l’on perçoit le mieux dans le discours
iconographique. Voir à ce sujet Madeleine Pinault Sorensen, “Les voyageurs
artistes en Amérique du Sud au XVIIIe siècle” [in] Yves Laissus, coord., “Les
voyageurs français dans la vice-royauté du Pérou au XVIIIe siècle”, op. cit.,
p.43-55.
[xlix] Voir José Luis Peset, “El espacio americano y el nacimiento de
la geografía médica” [in] Marie-Cécile Benassy, Jean-Pierre Clément, Francisco
Pelayo, Miguel Angel Puig-Samper, coord., Nouveau
Monde et renouveau de l’histoire naturelle, Paris, Presses de la Sorbonne
Nouvelle, 1994, tome III, p.234-244.
[l] Alexandre de Humboldt, citant Talleyrand dans son Essai
politique sur le royaume de Nouvelle-Espagne. Alexandre de Humboldt, Essai
politique sur le royaume de Nouvelle-Espagne op. cit., p.173.
[li] Voir Anthony Pagden, “Americanism from modernity to post-modernity”
[in] Serge Gruzinski, Nathan Wachtel, Le Nouveau Monde. Mondes Nouveaux.
L’expérience américaine, Paris, EHESS, 1996, p.613. De la même manière,
Tocqueville pourra arguer du droit au progrès pour justifier l’appropriation
territoriale des Etats-Unis au détriment des Indiens. Humboldt, pour sa part,
distingue, le sauvage de l’indien qui,
ayant déjà connu une forme de civilisation et qui, intégré à la société
coloniale, en devient perfectible.
[lii] Dans la deuxième moitié du dix-huitième siècle, le mot
“civilisation” ne s’utilise qu’au singulier. Le travail acquiert pour sa part
une valeur qui va rejeter pour longtemps le sauvage hors de l’ordre social.
Voir Annie Jacob, “Amérindiens/Européens : les transferts culturels dans
les représentations du travail (XVIe-XVIIIe siècles)” [in] Laurier Turgeon et al.,
Transferts culturels et métissages Amérique/Europe. XVIe-XXe siècles,
Paris, L’Harmattan, 1996, p.349-356.
[liii] Alexandre de Humboldt, Essai politique sur le royaume de
Nouvelle-Espagne, op. cit., p.212.
[liv] Alexandre de Humboldt, Atlas pittoresque, Paris, 1810,
p.99, 194.
[lv] Alexandre de Humboldt, Essai politique sur le royaume de
Nouvelle-Espagne, op. cit., pp.150. Serge Gruzinski explique qu’en
“explorant son sol, Mexico entend rivaliser avec les villes italiennes et
espagnoles. […] Tendue vers l’avenir, curieuse de son passé antique comme
Naples l’était à la même époque, [elle] affirme sa personnalité en s’efforçant
de rompre avec son passé immédiat.” Serge Gruzinski, Histoire de Mexico,
Paris, Fayard, 1996, p.82.
[lvi] Voir Anne-Marie Brenot, “Les voyageurs français dans la
vice-royauté du Pérou au XVIIIe siècle”, op.cit., p.249-251.
[lvii] Voir Jacques Brosse, Les tours du monde des explorateurs. Les
grands voyages maritimes, 1764-1843, Paris, Bordas, 1983, p.32, 106-107. En
ce qui concerne le destin de Bonpland, voir Philippe Foucault, Le pêcheur
d’orchidées. Aimé Bonpland (1773-1858), Paris, Seghers, 1990.
[lviii] Ernest Théodore Hamy, Joseph Dombey […], op. cit.,
p.86-87.
[lix] Raúl Rodriguez Nozal, Antonio Gonzalez Bueno, “Las colonias al
servicio de la ciencia metropolitana : la financiación de las “Floras
Americanas” (1791-1809)” [in] Revista de Indias, n°205, 1995, vol.LV,
p.597-634.
[lx] “Cuando los materiales botánicos (herbario y descripciones de
las plantas) se encontraron en España cayeron en el olvido y ni se ordenaron ni
se clasificaron” commentent A. Gomis Blanco, F. Pelayo Lopez et J. Fernandez
Perez, “Valoración de los resultados obtenidos por los naturalistas de la
expedición a Cuba del Conde de Mopox (1796-1802)” [in] Mariano Esteban Piñero
et al., coord., Estudios sobre historia de la ciencia y de la
tecnica, op.cit., p.638.
[lxi] Mociño, réfugié en France, confie ses travaux à de Candolle
qu’il rencontre à Montpellier. Sur ce point : Juan Carlos Arias Divito, Las
expediciones científicas españolas durante el siglo XVIII […], op.cit.,
p.267-269.